Le deuil pendant la grossesse : quand un être cher part alors qu’un autre grandit en vous…

2020 fut pour moi à la fois l’année la plus triste et la plus belle. J’ai dû faire le deuil de mon père parti trop brutalement, trop tôt, accueillir la grossesse de mon petit homme et vivre la première année avec ma poupette. Comment concilier ces deux sentiments si opposés ?  Comment vivre une grossesse en plein deuil ?

Aujourd’hui, un an après, je ne sais toujours pas comment j’ai réussi à traverser tout cela…

Le départ de mon papa…

Tout a commencé le lendemain du déconfinement, en mai 2020. Comme à mon habitude, j’ai appelé mes parents pour prendre des nouvelles et discuter le temps du trajet maison-bureau. Fait inhabituel, mon père a décroché. Ma mère s’était absentée quelques minutes. J’ai discuté et plaisanté avec lui quelques minutes. Je pense qu’il souhaitait me changer les idées. Il savait que j’avais apprécié passer du temps avec poupette pendant le confinement et que je redoutais le retour au bureau. Il a terminé sa conversation par « bonne journée ma belle » avant de donner le téléphone à ma mère.

Tout commençait comme une journée normale mais ce jour-là fut le plus difficile que j’ai vécu jusqu’à présent. J’ai eu simplement le temps de dire deux ou trois phrases à ma mère avant de l’entendre hurler de panique, hurler le prénom de mon père. Je pense que j’ai compris que quelque de sérieux se passait en un quart de seconde. Elle a repris le combiné pour m’expliquer que mon père était tombé.

Sur la route, j’ai raccroché immédiatement et appelé le 15. En quelques secondes, les pompiers étaient avertis. Pour autant, personne ne pouvait rien faire, mon père est décédé des suites d’un AVC dans les minutes qui ont suivies.

Je ne l’ai su que 30 minutes plus tard. Pendant tout ce temps, j’ai essayé de me dire que c’était un malaise, qu’il serait amené à l’hôpital en observation et que j’allais le retrouver rapidement mon roc.

Arrivée sur le parking, je me rappelle m’être dit « je monte, tout va bien se passer ». Naïvement, je pensais combattre le destin en m’installant à mon bureau… Quand j’y repense, je trouve cette réaction complètement absurde. J’étais interdite et je pense que mon cerveau a tenté de rationnaliser ce qu’il pouvait. Jusqu’à ce jour, je voyais mes parents dans ma vie pour toujours. Je n’avais jamais ne serait-ce que pensé au départ de l’un d’eux.

J’ai subi cette réalité, cette douleur immense de plein fouet et je n’ai jamais vraiment réussi à l’exprimer de vive voix. C’est aujourd’hui toujours compliqué pour moi d’en parler. Etrangement, je préfère l’écrire.

C’est dans tout ce contexte que j’ai appris que petit homme avait fait son petit nid.

La dualité des sentiments

J’ai été très heureuse de savoir que j’allais avoir un deuxième enfant mais j’ai l’impression que le départ de mon père m’a coupé toute parole relative à mes émotions. Je n’ai donc pas réussi à verbaliser ce bonheur tout comme cette douleur. Comment réussir à parler de cette dualité ? Comment exprimer que l’on est aussi triste qu’heureuse ?

Pour réussir à passer cette période, j’ai eu l’impression de me robotiser. J’ai tout intériorisé et me suis plongée dans le travail la journée et dans les soins de poupette le soir. Elle était tellement perturbée à cette période que je dormais régulièrement avec elle. Je pense qu’elle avait besoin de sentir que tout allait bien, que j’étais bien là.

Ce qui m’a aidé

J’ai tenu quelques semaines comme ça jusqu’à ce que des vertiges apparaissent : mon corps me disait tout simplement stop. Il fallait que j’évacue. J’ai été arrêtée quelques semaines et me suis décidée à faire deux lettres : une à mon père et une à mon bébé. Peut-être est-ce étrange mais j’avais besoin de dissocier ces deux évènements, ces deux sentiments. J’ai également expliqué à petit homme pourquoi j’étais triste.

Durant les 4 premiers mois de ma grossesse, je n’ai pris que deux kilos. Pour autant, je mangeais correctement mais avec le recul, je pense que mon petit homme savait que maman n’était pas très bien et se faisait tout petit.

Le jour du déclic fut pour moi la deuxième échographie. Lorsque la sage femme m’a confirmé que c’était un petit garçon. Alors que je n’avais pas de préférence quant au sexe, j’ai ressenti une joie immense. Je pense que quelque part, je me suis dit que je retrouverais une infime partie de mon papa dans ce petit homme. En un mois j’ai pris  4 kilos… Petit homme savait que j’avais eu un déclic et a pris toute sa place.

La fin de ma grossesse s’est bien passée même si la tristesse était toujours présente, plus ou moins forte, selon les jours et les moments.

Comme un signe du destin, Petit homme a pointé le bout de son nez 8 mois jour pour jour après le départ de mon papa. Ce jour-là, j’ai eu un bonheur immense à le prendre délicatement dans mes bras et intérieurement, j’ai remercié le premier homme que j’ai aimé dans ma vie d’avoir protégé cette grossesse délicate et si importante.

Petit homme, tu ne connaîtras jamais ton papy mais je t’en parlerai pour que tu saches d’où tu viens et comme il était extraordinaire. Je reste persuadée que de là-haut il vous protègera toi et ta sœur tout au long de votre vie.

Papa, j’espère que là où tu es (et j’imagine un endroit rempli de soleil, de fleurs mellifères, d’abeilles et de chiens) tu es apaisé. Sache qu’ici, j’essaye de transmettre à tes deux derniers petits enfants toutes les belles valeurs que tu nous as inculqué avec maman et dont je suis si fière.

A toutes celles qui vivent ou vivront cette terrible épreuve pendant une période si importante et si belle, je n’aurai qu’un conseil, tentez d’exprimer vos sentiments que ce soit par la parole ou l’écriture et surtout expliquez à votre bébé pourquoi vous êtes triste. Je suis persuadée que même dans le ventre il comprend.

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