
Toi aussi, tu t’es déjà posée la question en voyant « matrescence » sur un post de réseau social ou un livre ?
Je t’avoue qu’au début de ma maternité, je me suis dit « mais qu’est ce que c’est que ce truc ? »
Alors bien évidemment, on comprend tout de suite à l’oreille qu’il s’agit d’une contraction de mots qui regroupe « la maternité », le fait d’ « être mère ». En regardant l’orthographe, alors qu’on a l’impression que la contraction parle de « naissance », on s’aperçoit que la fin de « materscence » ressemble plus à « adolescence ».
Alors, oui, en effet, lorsque l’on a un enfant, on devient mère. Au-delà de la femme, une mère nait et se construit petit à petit depuis la grossesse. Mais pourquoi parler d’adolescence ?
C’est peut-être qu’au-delà de désigner la naissance d’une mère au sens biologique du terme, la matrescence signifie bien d’autres choses. C’est ce que l’on découvre en s’intéressant un peu plus au concept.
Le terme étant très médiatisé et parfois utilisé tout le temps, voire galvaudé, j’ai souhaité en faire un article pour te retranscrire son essentiel.
La matrescence, c’est quoi au juste ? Réponse tout de suite !
Matrescence ou la naissance d’une mère
Comment a été créé le terme matrescence?
En réalité, la matrescence est bien la contraction de deux mots : « mère » et « adolescence ». Il désigne l’ensemble des modifications physiques, hormonales, psychologiques et émotionnelles que vit une femme qui devient mère.
C’est donc bien du processus de la « naissance d’une mère » dont nous parlons. Il n’a pas été orthographié « matraissance » parce que ce processus et les conséquences qu’il entraine rappellent celles que nous vivons tous à l’adolescence.
Celle qui a donné naissance à ce terme est Dana Louise Raphaël, anthropologue américaine, où elle décrit les débuts de la maternité comme la période d’adolescence.
Dans un essai, elle décrit, je cite « L’accouchement entraîne une série de changements spectaculaires sur l’état physique de la nouvelle mère, son état émotionnel, ses relations aux autres et même dans son identité de femme. Je distingue cette période de transition des autres, en l’appelant matrescence pour mettre en avant la mère et se concentrer sur son nouveau mode de vie. »
Qu’est-ce que désigne la matrescence?
En réalité, la matrescence désigne ce phénomène ambivalent de la maternité que connaissent toutes les mamans pendant quelques mois, peut-être même quelques années. Cette transition de la femme à la mère et toutes les modification psychologiques et physiques qu’elle entraine.
Avec un corps métamorphosé, des changements hormonaux brutaux, des émotions exacerbées, un nouveau rôle qu’on découvre sur le tas, chaque mère connait un tsunami identitaire. Un changement si profond qu’il entraine des questions sur soi, ses goûts, ses priorités, ses souhaits…
Alexandr Sacks, psychiatre Américaine dit même qu’il s’agit d’un « tiraillement entre attraction et rejet du nouveau-né » dont l’ocytine serait en grande partie responsable.
Cette hormone qui est produite par la nouvelle maman au moment de la naissance et du peau à peau « attire notre attention pour que le bébé soit au centre de notre monde ».
La jeune maman se dédie alors entièrement à son enfant, quite à laisser de côté ses envies, ses goûts, ses souhaits.
Mais petit à petit, la mère se souvient qu’elle a d’autres rôles, une personnalité à part entière. Que sa vie présente d’autres aspects en réalité. C’est alors qu’elle se sent tiraillée entre l’attraction et le rejet.
L’exemple le plus parlant est en général la reprise du travail. Je l’ai moi-même vécue…. Moi qui adorais mon job, je me suis par moment imaginée au foyer parce que je n’avais pas envie de quitter mes enfants.
Lorsque je l’ai repris, cela a été très difficile. Je ne me sentais par moment bien nulle part. J’avais l’impression de ne plus être à ma place au bureau et le soir, j’avais l’impression qu’une partie m’échappait…. Comme si finalement, je n’arrivais plus à profiter autant de mes enfants.
C’est ainsi que les mères, pendant cette période, se sentent déboussolées. A différents degrés et en fonction des difficultés rencontrées et de notre vie, propre à chacune.
Des questions existentielles viennent alors parsemer le quotidien des mères en plein tsunami identitaire. La naissance d’une mère se fait pendant cette période, plus ou moins longue en fonction de chacune.
La matrescence renforcée par les mythes de la maternité
Ce phénomène est commun à toutes les mamans mais je pense qu’il est renforcé par notre société.
Alors bien sur que nos grands-mères et nos mères le vivaient mais je crois foncièrement que le phénomène était moins puissant.
Tout simplement parce que les mythes de la maternité n’étaient pas aussi forts et présents dans la société.
Quand je parle de ces mythes, je pense notamment à celui de la mère parfaite, de la maternité 100% bonheur et celui de la toute-puissance d’une mère.
Ces images erronées d’une mère heureuse en tout temps, qui gère tout sans être fatiguée et qui est entièrement responsable de tout ce qui peut arriver à son enfant poussent inconsciemment les mamans à s’investir encore plus. A écouter tous les conseils que leur entourage peut donner pour « bien faire ».
Ainsi, en plus de l’ocytocine, je dirais que les mythes de la maternité en rajoutent dans le phénomène de matrescence.
Ainsi, la maman s’oublie complètement pour devenir aux yeux de la société « une bonne mère » et finit par s’apercevoir qu’elle n’en fera jamais assez ou qu’elle ne fera jamais assez bien….
La crise identitaire est à mon sens encore plus grande et qui plus est, rejetée par bon nombre de personnes qui composent la société. Parce que « la maternité, c’est 100% bonheur », non ?
Alors pourquoi ces mamans se posent-elles autant de questions et sont-elles aussi tiraillées, diront-elles !
En quelque sorte, la société provoque doublement l’amplification de ce phénomène. A la fois en prônant ces mythes qui enferment la mère dans son rôle et à la fois, en rejetant l’idée même de matrescence et de tiraillement, parce qu’ « être mère, c’est naturel ».
Matrescence et culpabilité des mères : une cause sociétale?
Les mamans qui ressentent et expriment ce tiraillement se sentent alors coupables. Coupables de ne pas être « une mère à la hauteur », de ne pas sentir cet « instinct » dont on parle tant et qui prendrait le dessus sur tout tsunami identitaire.
Au contraire, les mères qui connaissent moins ce phénomène, ou moins longtemps, se sentent coupables quant à elles, de retrouver rapidement les différents rôles de leur vie. Une mère heureuse de reprendre le travail par exemple, interpellera beaucoup de personnes.
Beaucoup diront qu’elles ne « comprennent pas » et qu’elle « se débarrasse de son enfant ». A toutes ces personnes, j’aimerais leur dire simplement qu’on ne leur a pas demandé de comprendre ni de juger d’ailleurs….
Ainsi, la période de la matrescence, entraine bien plus qu’une crise identitaire de la mère. Elle a pour conséquence le début de la culpabilité maternelle, dans une sens ou dns un autre.
Et en général, la culpabilité se ressent face aux conditionnements que l’on a (les mythes de la maternité en lo’currence). Mais aussi face au regard des autres, voire aux jugements et réflexions.
C’est alors un long travail d’introspection qui commence pour savoir quel est l’idéal pour chaque maman. Pour savoir sortir des conditionnements tout en s’affranchissant du regard des autres…
Et ce travail peut être accéléré par l’entourage de la mère qui peut finalement temporiser cette matrescence.
Quand l’aide et l’empathie aide une jeune mère
La seule manière de temporiser cette matrescence, voire même d’aider une maman à en sortir, c’est de l’écouter.
Ecouter ses ressentis, ses impressions, ses émotions sans la censurer. Mais aussi sans projeter son propre vécu sur elle, sur son histoire, sur sa vie.
Parce que chaque situation est différente, chaque mère aussi, nous ne pouvons pas savoir d’avance ce que provoque la période de matrescence sur chacune de nous.
C’est à l’entourage à laisser la maman l’exprimer sans la juger. A finalement faire parler son cœur et ses tripes.
On ne saura jamais ce qui se joue chez quelqu’un, en fonction de son vécu, de ses expériences et de tout ce qu’il a intériorisé depuis sa naissance. Et cela vaut pour tout le monde et toute situation.
Alors, je ne le dirais jamais assez mais écoutons les mères, laissons-les parler avec empathie pour les laisser traverser du mieux possible la plus belle mais aussi la plus difficile période de leur vie.
Et toi, as-tu eu conscience de traverser un tsunami identitaire appelé matrescence quand tu es devenue mère ?